Les lessives de l’été
Lorsque j’étais enfant, je me souviens de l’appréhension de ma mère lors du choix d’un logement de vacances : y aura-t-il une machine à laver ? Avec une famille nombreuse, il s’agissait pour elle de l’objet critique sans lequel le concept de vacances ne pouvait même pas s’envisager.
Au camping, j’avais aussi découvert les joies de la lessive à la main, munie d’une bassine pliante en plastique jaune qui me plaisait beaucoup : frotter son linge, en pleine nature et au soleil, tout en bavardant avec les copines, quel bon souvenir !
Il est bien loin le temps où les femmes se rendaient au lavoir du village, pour une corvée certes fastidieuse et répétitive, mais ô combien sociale. Pourtant certaines communautés écologiques prévoient dans le planning de la semaine une demi-journée de lessive à la main, occasion tout à fait concrète de laver son linge sale en famille.
Désormais le tambour de la machine à laver se remplit et se vide le plus souvent dans la solitude domestique de citadins pressés.
Pendant les vacances, les retrouvailles avec les proches (les femmes surtout, mais pas seulement !) sont ponctuées de courts dialogues comme ceux-ci : Quand la machine à laver sera-t-elle disponible ? Quelqu’un aurait-il besoin de rajouter des vêtements ? Où est passée la 2ème chaussette ? Merci d’avoir étendu le linge ! Je l’ai ramassé en vitesse car j’ai vu l’orage arriver !
Le niveau de remplissage du panier à linge sale, très variable, témoigne aussi des allées et venues des adolescents. Avec une alternance : bac débordant, découragement/ bac vide,soulagement. Les émotions évoluent au même rythme : joie, impatience de les voir arriver. Nostalgie et fierté de les voir repartir. Lorsqu’ils n’auront définitivement plus besoin de ce service, je suppose qu’ils auront pris leur autonomie, et acheté une machine. D’ailleurs, pour Jean-Claude Kaufmann, sociologue de la famille, l’acquisition d’une machine à laver serait un marqueur fort de l’engagement dans la vie de couple (1).
Volonté de durer en couple et vie concrète, au risque, si l’on n’y prend pas garde, d’un affadissement des sentiments amoureux. Comme le chante Alain Souchon :
« Passez notre amour à la machine, faites-le bouillir Pour voir si les couleurs d’origine, peuvent revenir Est-ce qu’on peut ravoir à l’eau de Javel, des sentiments ? La blancheur qu’on croyait éternelle, avant ».
Ainsi la vie conjugale et familiale se déploie aussi autour de la lessive, tâche si banale du quotidien. Attention à l’autre, habitude, service rendu, partage de l’ordinaire des jours, corvées, intimité … : n’oubliez pas de prendre soin de vos proches !
(1 ) La trame conjugale, analyse du couple par son linge, Jean-Claude Kaufmann, édition Armand Colin, collection Sociologia, 2ème édition, 2014